La période comprise entre 1890 et le début de la Première Guerre mondiale est celle où l’on a posé les bases techniques, logistiques et économiques de l’industrie de l’automobile moderne. À ce moment-là, le monde est en pleine effervescence. On passe progressivement d’une production artisanale à petite échelle à une fabrication industrielle et standardisée. C’est aussi une période intense pour l’innovation technologique. On expérimente, on invente. L’automobile va littéralement jeter les bases de la société moderne, faisant apparaitre des infrastructures adaptées à la mobilité individuelle et de nouvelles tendances culturelles telles que la consommation de masse.

À la suite de la création de la Benz Patent-Motorwagen en 1886 par Carl Benz, considérée comme la première voiture à combustion, la voie était désormais ouverte au développement d’une toute nouvelle industrie. Voici, en ordre chronologique, un portrait de ces pionniers de l’automobile qui ont aidé à façonner le monde tel qu’on le connait aujourd’hui.

L’entreprise française Panhard & Levassor introduit des innovations fondamentales qui deviendront des standards de l’industrie, comme le moteur avant et la propulsion arrière. Dès leurs premiers modèles, Panhard & Levassor visait la fiabilité et la performance, ce qui propulsa la France au rang de pionnier mondial dans cette industrie naissante.

Les frères Charles et Frank Duryea fondent la Duryea Motor Wagon Company (États-Unis) en 1893 et réalisent l'exploit de produire et commercialiser avec succès la première automobile américaine en 1894. La compagnie existe jusqu’en 1900. Charles cesse de produire des voitures en 1917, tandis que son frère Frank continue jusqu’en 1927 avec la Steven-Duryea modèle G.

La fondation d’Oldsmobile, en 1897, par Ransom Eli Olds, marque une étape essentielle dans la démocratisation progressive de l'automobile aux États-Unis. Sa vision d’avenir est de rendre l’automobile disponible pour tous avec des conceptions robustes et fiables, mais en simplifiant les méthodes de production. C’est à la Oldsmobile Curved Dash, lancée en 1901, que revient la palme du premier véhicule produit en série aux États-Unis. La voiture rencontra un succès immédiat et sema le germe d’une idée importante : la voiture peut devenir un bien accessible au grand public.

Henry Leland fonde Cadillac en 1902 et s’impose tout de suite comme un maitre de l’innovation technologique et de la qualité supérieure. Sa marque est la première à introduire l’interchangeabilité des pièces afin de faciliter la maintenance. Dès le départ, Cadillac devient la référence en matière d’excellence et d’innovation.

En 1908, Henry Ford présente son modèle T. Robuste, simple à conduire et abordable, la voiture s’adresse directement aux classes moyennes de l’Amérique. Or, la véritable révolution arrive en 1913 alors qu’on met en service, chez Ford, la chaine d’assemblage mobile dans les usines de Détroit. Ce système inédit et révolutionnaire permet de diminuer considérablement le temps de production et d’augmenter les volumes, ce qui a pour effet de réduire drastiquement les coûts de production et de rendre accessible, à une majorité d’Américains, des voitures abordables et de qualité.

En 1913, Ford met les bases de ce que l’on appelle aujourd’hui la démocratisation de l’automobile. La voiture devenait alors un objet du quotidien qui influencera la société de l’époque et qui continue de nous influencer aujourd’hui, que ce soit au niveau du développement urbain et de nos déplacements, que de l’économie et de la culture.

Un peu plus de 100 ans plus tard, nous aimerions pouvoir affirmer que nous sommes à l’aube d’une autre révolution qui nous aidera à redéfinir le monde tel qu’on le connait. Malheureusement, malgré les avancées technologiques et une conscience accrue des enjeux climatiques auxquels nous faisons face, rien n’annonce cette révolution. C’est comme si la chaine de montage mobile de Ford, celle-là même qui avait participé à la démocratisation des biens de consommation et l’émancipation du peuple, n’était en fait qu’un piège, sorte de « Escape room » pour laquelle il n’existe pas de clé.