La recette des performants : quand la rentabilité tient à quelques bons ingrédients

Chaque entreprise performante suit une recette bien à elle. Une combinaison unique d’ingrédients soigneusement choisis et judicieusement appliqués. Et parfois, il suffit simplement de remettre les bons éléments dans le bon ordre pour raviver la flamme de la rentabilité.
Il y a quelques semaines, j’ai eu l’occasion de participer à une rencontre d’un groupe de performance, composé de gestionnaires d’ateliers mécaniques. L’objectif : échanger des pratiques, confronter les idées, et s’entraider pour évoluer. Ce jour-là, un membre m’a approché avec une demande particulière. Il souhaitait que je rencontre son beau-frère, propriétaire d’un atelier en sérieuse difficulté. Malgré une bonne affluence de clients, son entreprise ne générait pas de profit. Frustré et inquiet, il en était même venu à soupçonner son commis comptable d’actes malhonnêtes : des soupçons qui, après examen, se sont avérés infondés.
Intrigué, j’ai proposé de visiter son atelier afin de comprendre concrètement ce qui clochait. Il a préféré que la rencontre ait lieu en soirée, à 20 h, pour éviter les distractions. Ironiquement, à peine installés, nous avons été interrompus à quatre reprises par des clients venus chercher leur véhicule. Cela en disait long sur l'organisation. Il m’a alors conduit dans l’atelier lui-même, espérant y trouver un peu de tranquillité.
Je lui ai demandé un rapport de ventes du mois précédent, incluant les revenus générés par les pièces et la main-d’œuvre. Avec une certaine fierté, il m’a tendu ce qu’il considérait comme son meilleur mois à vie. Pourtant, plusieurs incohérences m’ont rapidement sauté aux yeux. Le ratio pièces/ main-d’œuvre était de 73/27, alors qu’il devrait idéalement s’approcher de 50/50. Pire encore, 416 factures avaient été émises en un seul mois avec trois techniciens. Un rythme tout simplement irréaliste. En règle générale, un technicien peut traiter entre 3 et 3,5 véhicules par jour. Ce volume excessif suggérait une gestion inefficace et un nombre excessif d'interventions superficielles.
Je lui ai ensuite posé une question simple, mais révélatrice :
« Quel est l’âge moyen des véhicules de ta clientèle ? » Il est resté muet. Non seulement il ignorait cette donnée, mais il n’en comprenait pas l’importance. Je lui ai expliqué qu’un parc automobile plus jeune nécessite moins de réparations, alors qu’un parc plus âgé augmente les opportunités d’entretien et de rentabilité. Après analyse, nous avons découvert que l’âge moyen de ses véhicules était de six ans, avec seulement 17 % de la clientèle possédant des véhicules âgés de 1 à 3 ans.
À la fin de notre rencontre, il m’a demandé sans détour ce que je pensais. Je lui ai répondu franchement : « Le problème, c’est toi. » S’il a d’abord été secoué, il a fini par accepter de m’écouter. En tant que propriétaire et gestionnaire des opérations, il lui revenait de structurer efficacement son entreprise et d’appliquer les meilleures pratiques du métier.
Je lui ai donc proposé de noter, noir sur blanc, les fondements de la « recette des performants » :
Ne plus vendre de simples vidanges. Offrir un entretien recommandé incluant une inspection de 48 points et un pré-scan des modules électroniques.
Planifier les entretiens préventifs le matin, y compris l’installation de pneus. Cela maximise l’efficacité des interventions.
Faire systématiquement un essai routier avant d’entrer un véhicule en atelier, afin de détecter des anomalies invisibles autrement.
Compléter l’inspection avec rigueur, et valider les résultats avec les techniciens. Avec un âge moyen de 6 ans, plusieurs réparations seront logiquement à prévoir.
Limiter à trois véhicules par jour par technicien, en planifiant suffisamment de temps pour effectuer les travaux recommandés le jour même.
Atteindre un objectif quotidien de 2,25 heures facturables par facture. Ce ratio, souvent sous-estimé, est un indicateur clé de performance. Il permet de s'assurer que chaque intervention génère une rentabilité suffisante pour soutenir les frais fixes de l’entreprise.
Alors qu’il notait mes conseils, je voyais dans ses yeux un mélange de doute et de déclic. Ses vieilles habitudes étaient tenaces, mais il semblait prêt à essayer. En partant, j’ai ressenti une forme de tristesse. La recette est simple, mais encore faut-il oser changer.
Je ne sais pas s’il appliquera ces recommandations. Mais je sais qu’il est animé par le désir sincère de réussir. Chaque jour, il donne tout ce qu’il a. Et à ce titre, il mérite qu’on lui souhaite le meilleur. Car parfois, pour retrouver le chemin de la performance, il suffit de quelques ajustements... et d’un peu de courage.