Blogue d'Éric Descarries, Éric Descarries
Le luxueux Jeep Grand Wagoneer L
Le 7 décembre 2023
Je crois qu’il n’y a pas de marché plus mêlant que celui de l’automobile. Il y a environ 20 ans, un certain public agressif défenseur de l’environnement a tellement bien réussi à faire passer son message (c’étaient surtout des environnementalistes qui voulaient faire disparaître les «gros VUS» comme les Ford Excursion, Hummer H2 et autres géants de la route du même genre) que les constructeurs automobiles s’y sont pliés en éliminant certains «gros VUS» de leur production. Curieusement, vingt ans plus tard, ces «gros VUS» sont de retour et leurs ventes vont très bien, merci! Les «gros VUS» d’aujourd’hui, ce sont surtout les Cadillac Escalade, Chevrolet Suburban, GMC Yukon XL, Ford Expedition L, Lincoln Navigator, Range Rover LWB et quelques autres. Pour le moment, il n’en existe qu’un seul qui peut-être tout électrique, soit le tout dernier Escalade. Voyant qu’une partie du marché lui échappait, le plus récent consortium de voitures Stellantis décidait qu’il voulait, lui aussi, sa part du gâteau. Ainsi est né le Jeep Grand Wagoneer L !
Curieusement, Stellantis a plutôt choisi la marque Jeep pour concurrencer les autres grands VUS, surtout des véhicules de luxe. On aurait pensé qu’il aurait choisi la marque Chrysler (dont le seul grand VUS de luxe fut le défunt Chrysler Aspen basé sur le Dodge Durango)…pourtant. Donc, Stellantis a lancé le Grand Wagoneer en 2022, mais pour les mordus de la marque Jeep, il n’y avait aucune ressemblance avec son ancêtre, le Grand Wagoneer des années antérieures. En effet, le «nouveau» Grand Wagoneer est plus un «monstre» qu’un VUS. Si l’on pouvait aller hors route avec l’ancien Grand Wagoneer, il faudra y penser à deux fois avec la nouvelle version. En effet, dans son empressement de vouloir raviver ce modèle presque légendaire, Stellantis a plutôt décidé d’en concevoir un sur un châssis rigide déjà existant, en l’occurrence le pick-up Ram. Sauf que si le Ram possède un essieu arrière rigide, le nouveau Grand Wagoneer a, lui, un pont arrière à suspension indépendante (mais cela ne veut pas nécessairement dire qu’un jour, le Ram aura un élément mécanique semblable!).
Bien, voilà, la table est mise! Ce que vous voyez ici, c’est le tout récemment Grand Wagoneer L capable d’accueillir sept personnes à son bord avec, fort probablement, tous leurs bagages. Notez qu’il en existe une version plus «modeste», le Wagoneer qui est moins ostentatoire et un peu plus court. Cependant, notez que dans le cas de mon véhicule d’essai de cette semaine, il n’y a pas de V8 Hemi sous le capot. Au cas où vous n’auriez pas suivi les actualités automobile récemment, ce vénérable moteur verra sa production prendre fin au cours des prochains mois. Il sera remplacé par un six cylindres en ligne à double turbo de 3,0 litres qui commence à nous apparaître sous le capot du Grand Wagoneer dès cette année. C’est de celui-ci dont il est question ici !
Quoi? Un six à la place du V8 Hemi? C’est la décision que Stellantis a prise. Ne vous inquiétez pas, ce six appelé Hurricane ne manque pas de puissance : 510 chevaux et 500 li-pi de couple, plus que le 6,4 litres Hemi avec la moitié de la cylindrée! On le verra bientôt sous le capot des pick-up Ram 2025 (incluant le remplaçant du TRX) et fort possiblement sous celui de la berline/coupé qui remplacera les Dodge Daytona et/ou Challenger (Stellantis a bien annoncé qu’il y aurait des moteurs à combustion interne offerts dans ces autos qui, au départ, ne devaient être qu’électriques). Si vous suivez l’actualité automobile, vous avez certainement entendu en visionnant You Tube le son de ce moteur dans un prototype de camionnette Ram de performance! Encourageant!
Donc, de retour au Jeep Grand Wagoneer. Vous aurez compris ici qu’il s’agit d’un très grand VUS offrant beaucoup de luxe et d’accessoires! Question style, rien de bien étonnant sauf que sa (très) grande caisse à quatre portes (en version L allongée de l’arrière)n’a été conçu pour accueillir ses sept passagers avec beaucoup de confort. On reconnaîtra la calandre de Jeep avec ses sept orifices, mais c’est là que toute ressemblance avec quel Jeep que ce soit!
En ouvrant la porte du conducteur (alors que le marchepied se déploie), on constate immédiatement toute l’opulence que présente l’intérieur du Grand Wagoneer dans sa finition Series III . Le tableau de bord est imposant. Divisé en trois parties, il contient d’abord toutes les informations nécessaires au conducteur (incluant l’affichage par réflexion de la vitesse dans le pare-brise) alors que dans le centre, on retrouve un grand écran pour la radio, la navigation et autres informations. Juste sous cet écran se trouve toute une panoplie de commandes qu’il faille bien étudier avant de prendre la route…Évidemment, le volant possède lui-même toute une série de commandes (plusieurs étant des dédoublements de celle au tableau de bord). Notez la commande rotative qui remplace le levier de vitesse au centre de la console. Tout autour de celle-ci, le conducteur pourra utiliser les diverses commandes et autres accessoires pour ses excursions hors route (s’il est assez brave pour s’y aventurer avec un tel bahut!). Enfin, sur commande, le passager de droite pourra voir dans un plus petit écran devant lui son propre centre d’information vidéo! Et il y a la radio avec sonorisation McIntosh et ses multiples haut-parleurs dans l’habitacle (mais pas de fonction AM !). De plus, il y a un toit vitré ouvrant tout simplement imposant au plafond!
Mais ce n’est pas tout! Sous la superbe sellerie des sièges avant se cachent des accessoires supplémentaires qui sont commandés par des touches digitales à la console. Évidemment, ils sont chauffés, ventilés et ils incluent de multiples ajustements avec …le massage! Et si vous pensez que les passagers du centre ne peuvent profiter de tels avantages, regardez-y à deux fois. Ceux-ci auront leur propre centre de commandes tactiles à leur console du centre en plus de leur télévision (une de chaque côté) pour visionner ce qu’ils veulent via la commande Amazon Fire! Évidemment, il y a une troisième banquette dans cette grande limousine et, grâce au très long empattement du véhicule, il est relativement facile d’atteindre cette banquette à trois personnes (qui est repliable à plat grâce à des commandes électriques).
Enfin, tout à l’arrière, la version L propose un espace de chargement qui pourrait être plus utile que la caisse d’un pick-up vu que l’habitacle fermé permettra de charger un peu plus haut tout en étant protégé. Sous le plancher arrière se trouve un casier de rangement pour plusieurs autres accessoires du Grand Wagoneer. Oh oui! Le hayon d’arrière peut s’ouvrir en passant le pied sous le parechoc (si vous avez la télécommande en poche). En passant, si vous êtes un amateur de caravaning et que piaffez d’impatience pour connaître la capacité de remorquage de ce palais roulant, sachez qu’avec le six en ligne, le Grand Wagoneer est capable de tirer 9860 livres!
Un petit retour du côté mécanique nous rappelle que derrière le nouveau six cylindres, il y a une boîte automatique à huit rapports et la traction intégrale Quadra Drive II en plus d’une suspension pneumatique avec commandes multiples qui peut même permettre de soulever celle-ci de deux pouces (encore une fois si vous tenez à faire du hors-route avec ce palais roulant!). Les pneus d’origine, des 285-45 R22 avaient été remplacés par des Continental Ice Contact qui me sont venus en aide le dernier jour de mon essai.
Sur la route
Au départ, il faut se rappeler que l’on conduit, ici, d’un véhicule de près de 6500 livres! Ce qui m’intéressait le plus, c’était de savoir comment le moteur à six cylindres allait se comporter. Il faut avouer que j’avais déjà mis la main sur une des premières versions de cette camionnette au concours de Voiture de l’année de l’AJAC au Canadian Tire Motorsport Park en Ontario en octobre 2022 et que j’avais été impressionné. Toutefois, conduire un véhicule moins d’une heure et vivre avec pendant une pleine semaine, ce sont deux choses.
D’autre part, comment un six cylindres pourrait-il remplacer un V8, surtout un Hemi qui est, en soi, une véritable légende et qui a deux fois la cylindrée du six? Puis, il y manquait le son du V8. Cependant, dès que l’on fait démarrer le six cylindres Hurricane, on est surpris par la douceur du moteur. Mais, en pressant quelques fois l’accélérateur, on reconnaît alors le son mélodieux d’un six à l’européenne. En effet, il ressemble à celui d’un BMW ou d’un Jaguar.
On met en vitesse (en tournant la commande rotative) puis on part. Déjà, on sent que le six Hurricane n’émet aucun son d’effort. Faut dire que la boîte automatique à huit rapports aide à la cause. Il y a longtemps que plusieurs reportages ne font pas mention des temps d’accélération de 0 à 100 km/h. Moi, j’aime toujours les mesurer, ne serait-ce qu’approximativement en consultant ma montre. Mais de passer du point mort à cette vitesse avec ce très lourd véhicule ne peut que surprendre avec un temps de moins de six secondes! Et les reprises sont tout aussi étonnantes. De plus, ne vous trompez pas, le son du moteur est vraiment excitant, même si ce n’est pas un V8!
Question tenue de route, encore une fois, il faut se rappeler que la base de ce Jeep demeure un châssis de Ram. Mais, c’est fou ce que la nouvelle suspension arrière indépendante change tout! En vitesse de croisière, le Grand Wagoneer est à la fois silencieux et stable. Ce n’est pas une voiture de sport sur une route sinueuse (surtout qu’il prend un peu de place dans les courbes), mais son comportement est prévisible. J’imagine qu’avec une remorque de quelque six à huit mille livres, le moteur doit travailler un peu, mais le châssis rigide donne plus de rigidité à la grande caisse.
Même si la visibilité y est très bonne, encore une fois, on doit composer avec le gabarit du grand Jeep. Je n’ai jamais trouvé la fonction d’une caméra à l’avant (ce qui m’aurait été pratique dans les stationnements de centres commerciaux), mais j’ai pu profiter d’une forme de radar visuel en vue d’oiseau à l’écran. Évidemment, il y a une vraie caméra pour la marche arrière. Néanmoins, le Grand Wagoneer n’est pas un véhicule d’utilisation urbaine, un peu comme le serait un grand pick-up.
Malgré le fait que cette camionnette on ne peut plus américaine soit merveilleusement bien équipée pour la conduite hors route, vous comprendrez que je n’ai pas osé attaquer quelque sentier que ce soit de crainte d’endommager le véhicule. De plus, pour ce faire, il faut être accompagné d’au moins un autre véhicule. Donc, il m’aurait fallu un compagnon avec une camionnette au moins du même calibre juste au cas où…même s’il y a diverses fonctions hors route que l’on retrouverait dans un Grand Cherokee ou autre VUS destiné aux excursions hors route. Par contre, j’ai conduit le Grand Wagoneer dans la «grosse» neige et grâce à sa traction intégrale et les pneus Continental Ice Contact, je n’y ai connu aucun problème.
J’ai bien l’impression que Jeep (Chrysler de Stellantis) a adopté le six Hurricane pour gagner un peu en économie de carburant. Toutefois, même si cet Hurricane est moins gourmand que le V8 Hemi (3,0 litres contre 6,4 litres), il demeure assoiffé de carburant une fois à la pompe (du super de préférence!). Durant ma semaine d’essai, plutôt axée sur l’autoroute, j’ai obtenu une moyenne de 14,4 l./100 km (alors que l’ordinateur de bord m’indiquait 14,7 !). La fiche technique canadienne d’Energuide signale une moyenne générale de 15,0 l./100 km. C’est donc dire que j’ai réussi à extrapoler le meilleur de la consommation du Grand Wagoneer et ce, malgré une température relativement froide!
Mais alors, combien coûte un tel véhicule en détail? De base, un Jeep Grand Wagoneer L Series III 4X4 débute à 130 495 $ au Canada. Le véhicule que je conduisais avait des options comme une peinture avec couche nacrée Rocky Mountain de 695 $ et surtout un ensemble de divertissement pour les passagers d’arrière (télés avec Amazon Fire) de 2695 $, des roues en aluminium peint de 22 par 9 pouces de 1995 $ et des garnitures intérieures métalliques de 995 $. En plus, il faut calculer un «écoprélèvement» fédéral de 1000 $ et la toujours aussi ridicule taxe fédérale de 100 $ pour le climatiseur. Les frais d’expédition sont de 2695 $ pour un tel véhicule ce qui donne un prix total de 140 670 $ plus une taxe de luxe (au Québec) de quelque 2358 $ sur l’immatriculation. Enfin, il ne faudrait pas oublier les taxes de vente (environ 23 600 $, si mes calculs sont bons) ce qui devrait se terminer autour des 166 600 $ ( ce qui place le Grand Wagoneer dans le même créneau que les Escalade et Navigator, mais moins qu’un Range Rover qui commence à quelque 178 000 $…). Vaut mieux savoir «barguiner» avec le concessionnaire!
N’empêche que j’ai de beaucoup apprécié ma semaine au volant de ce «monstre» à l’américaine. Sachez qu’il se mesure aussi à quelques bêtes européennes, voire même asiatiques (comme le Lexus QX 600 ou, par extension, Infiniti QX 80 à moindre prix…). Ironiquement, lorsqu’on conduit un tel Jeep, c’est fou le nombre de grand VUS du même genre que l’on voit sur la route, même ici au Québec. Étonnant!
C’est le temps de revenir aux modèles!
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